La banalité de la fausse couche

Vous le savez sans doute, j’ai tendance à définir la vie comme jolie, même si elle est aussi aléatoire, dure, râpeuse parfois.

J’ai encore le cœur écorché en écrivant ces quelques mots. Pourtant ce que je vais exposer ici n’est pas rare, grand nombre de femmes, de couples a vécu ce désarroi, le vit ou le vivra.

Pourtant, on lit rarement sur ce sujet là. Comme si, à partager nos malheurs, cela pourrait devenir contagieux, ou alors cela pourrait gêner d’admettre que tout n’est pas toujours facile.

Tout d’abord, je vais bien. Disons, je vais mieux. Je renoue avec mon élan de vie, j’accepte d’être en colère, d’être triste, d’être vivante et tourmentée.

Il y a 7 mois, j’ai vécu une fausse couche précoce. Tout juste enceinte, ma grossesse n’a pas dépassé le deuxième mois. Notre projection de bébé s’est diluée brusquement, comme une bougie soufflée par une bourrasque.

J’avais entendu des témoignages d’amis sur des grossesses complexes, des accouchements rock’n’roll mais rien concernant la fausse-couche précoce.

Et pourtant, je sais désormais qu’une grossesse sur 4 s’arrête lors du premier trimestre. Un évènement tristement fréquent et pourtant assez caché.

Elle est peut-être là ma douleur: dans ce silence, cette pudeur.

Face à nos premières projections, il a fallu se faire une raison. Pourtant, on sait bien que le cœur a ses raisons…

Il a fallu accepter ce corps, qui en deux jours, perd les symptômes évocateurs d’une nouvelle vie.

Accepter les contractions, le retour des règles, la banalisation acerbe du gynécologue.

Et ne rien dire au début, parce qu’on ne sait pas trop comment en parler, quoi raconter, à qui ? Que dire de ce qui n’est pas, n’est plus, ne sera pas.

Mes larmes que j’aurais aimé joyeuses avec nos proches seront finalement solitaires et accablées.

Et puis, le cerveau est bien fait, nous avons choisi de positiver, de se tourner vers le futur. D’affronter la vie, de ne pas en faire un mélodrame, ne pas tourmenter les autres avec notre peine.

Mais comme toujours, je suis trop naïve.

Le couple de bientôt 6 ans, que nous sommes, attire son lot de questionnements, d’allusions :  » et alors, vous avez prévu de faire un bébé ? Ce sera pour quand ? »

J’aurais voulu crier, partir en courant, ou pleurer un bon coup. J’ai serré les dents, laissé échappé un ricanement fade.

Et finalement, j’ai décidé que c’était mieux d’en parler, de dire clairement ce que l’on vit, de ne pas avoir honte, de gêner un peu ceux qui ne voient pas, ceux qui ne veulent pas voir, ceux qui sont maladroits… Et peut-être trouver écho chez les autres, ceux qui savent déjà, qui connaissent.

Une femme éclairée m’a dit, il y a quelques mois (big up à toi si tu me lis) : « Si tu croises un couple en âge de concevoir mais sans enfant : soit ils ne veulent pas d’enfant, soit ils n’y arrivent pas. Dans les deux cas, tes questions, tes remarques ou insinuations ne leur seront pas bénéfiques. Garde les pour toi. »

Et c’est vrai, c’est aussi simple que cela.

Je dédie ces quelques lignes à toutes ces personnes qui s’y retrouvent, et ont peut-être été heurté par l’indélicatesse des gens.

Prenez votre temps pour panser votre blessure. Votre douleur est légitime même si la grossesse n’était pas très avancée.

N’écoutez pas tout ceux qui pour bien faire, vous diront lorsqu’ils seront au courant : « c’est pas grave, si ça a marché, cela refonctionnera bien. » (et pourtant, je comprends qu’on ait envie de dire quelque chose de positif mais des fois, admettre qu’on ne sait pas quoi dire est plus bienveillant)

Envoyez valsez ceux qui vous conseilleront de vous « détendre » pour que tout se passe mieux la prochaine fois (oui, parce que perso, je le sais que je dois me détendre, ça fait même près de trois ans que je travaille sur ce point précis).

Insultez si vous en avez besoin les « aller, il y a plus grave dans la vie ».

(Parce qu’on est d’accord, il y a plus grave mais on n’est pas obligé d’être amputé des 4 membres pour se plaindre, et être malheureux.)

Soyez indulgents envers vous-même et faites vous du bien, vous le méritez.

(J’en suis à ce stade-là).

Avec le temps, on guérit un peu, on s’apaise. C’est vrai, parfois on est encore triste, on n’a pas envie qu’on nous parle de grossesse, on ne veut pas se souvenir des sensations, des émotions, de l’excitation fébrile…. On ne veut pas voir de ventre arrondi, on ne peut pas porter dans ses bras les jolis bébés des autres. On a besoin de faire un peu l’autruche.

Le temps fera son œuvre, je le sais. On aura alors bien intégré que la vie est dure, aléatoire, râpeuse parfois, mais oh oui, jolie.

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